Pertes & profits. Après le calme plat, la tempête. A l’automne 2021, une accalmie soudaine en mer du Nord a donné le signal de la plus grave crise énergétique que l’Europe ait connue depuis 1973. En cette mi-février, le baromètre vire plutôt vers la tempête. Toute l’Europe du Nord attend avec inquiétude l’arrivée de l’ouragan Eunice, qui a contraint le Royaume-Uni et le nord de la France à se placer en alerte maximale. Un test de plus pour les gigantesques champs d’éoliennes qui parsèment désormais la mer du Nord. Mais pour ces moulins démesurés, culminant, pour les plus grands, à plus de 150 mètres de hauteur, la tempête est aussi financière.
Les leaders du secteur en Europe sont à la peine. Avec seulement trois acteurs non chinois de taille mondiale (Vestas, Siemens et GE), les résultats ne sont pas au rendez-vous. Le danois Vestas a prévenu que, en 2022, sa marge bénéficiaire serait au maximum de 4 % et pourrait tutoyer le zéro. L’allemand Siemens Gamesa anticipe, lui, une marge négative de 4 % cette année. Début février, le patron a été évincé par les actionnaires. Il faut dire que les chéris de la Bourse ne le sont plus vraiment. En un an, le cours de l’action Siemens Gamesa a perdu la moitié de sa valeur, et Vestas a plongé de 40 % depuis ses plus hauts de novembre 2020. Sans parler des déboires du parapétrolier italien Saipem, dont la reconversion dans l’éolien est en train de prendre l’eau, au large de l’Ecosse, dans un projet géant conduit par EDF.
Fabrication éclatée
La cause de tous ces malheurs, dans un domaine pourtant en forte croissance, est l’inflation. Une seule éolienne géante peut contenir plus de 1 500 tonnes d’acier et de béton. L’envolée des prix du métal a pris à revers des fabricants prisonniers de contrats de long terme. Or, à l’inverse des industriels de l’automobile ou de la consommation, ils n’ont pas pu transférer les hausses de prix aux clients. De plus, la fabrication est éclatée entre les producteurs de pales, de nacelles, de générateurs et autres composants électriques, nécessitant une longue chaîne logistique, au moment où le prix du transport maritime grimpe au plafond. Selon Ben Backwell, le représentant du secteur au niveau mondial, cité par le Financial Times, les prix du fret ont été multipliés par six depuis début 2020, ceux de l’acier ont grimpé de 50 % et ceux du cuivre de 60 %.
Résultat de tout cela, des coûts en hausse en 2022 pour l’éolien offshore. Une première. Un métier peu rentable, des prix qui explosent, des investisseurs méfiants au moment où les Etats réduisent les subventions ou les suppriment… la transition énergétique, qui mise beaucoup sur cette activité, entre dans une zone de gros temps.